À nouveau les chemins


Les dernières chaleurs se font moins dures fin août. La nuit arrive peu à peu de plus en plus tôt. Septembre arrive, l'automne s'entend.

Ce matin de fin août, je vais chercher les juments au pré. Ma sœur est là. On selle et on part. On part pour un raid.

Le but est d'arriver jusqu'à la mer, l'océan, l'Atlantique. Nous avons reçu une invitation de l'ancien propriétaire de Stringa, la mule rousse, et nous y répondons. Mais maintenant, le temps est compté et il faudra faire bon chemin pour boucler ce parcours de près de 600 km en une vingtaine de jours. Nous traverserons les Yvelines et l'Eure pour arriver en Seine Maritime, puis le retour par l'Oise et le Nord des Yvelines. Avec Alix, nous choisissons de voyager très léger, avec les deux juments sellées et non bâtées. Au total, eau et nourriture comprises et assurant une autonomie complète, il y a moins de 20 kg de bagages, réparties sur les deux juments.

Voilà longtemps que je n'avais pas harnaché fontes et sacoches. Voilà longtemps que les juments et moi avons quitté notre ancienne routine de voyageurs. Mon vieil ami de route répond lui aussi à l'appel. C'est bien le doute qui pointe son nez, car le temps est compté, les juments ne sont pas des plus entraînées et j'ai à peine fini la rééducation d'un poignet fracturé net et plâtré, embroché il y a encore quelques mois.

Ce matin de fin août, on prend la route et il est déjà tard.

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Le dernier matin



Nous avons attendu toute l'après-midi puis toute la soirée. Les juments se régalent de l'herbe grasses devant la petite chapelle de Saint Frézal de la Canourge, une eau magique y prend sa source. J'ai le cœur lourd et des bananes à partager, j'appelle les juments qui arrivent de leur galop gourmand.


Le camion arrive à minuit. Adrien est là avec son père, il rentre d'Espagne où ils ont livré deux chevaux. Je m'enfonce dans la nuit et vais chercher les juments qui rentrent dans le camion sans la moindre hésitation. Tout le monde met sa ceinture. Je parle du voyage, Adrien parle de toutes ses expériences avec les chevaux: moniteur, palefrenier à l'Académie équestre de Versailles et maintenant patron de sa boîte de transport.

Il aura fallu six heures pour rentrer. Cela passe vite, même en ne dormant pas. Un petit matin frais de septembre nous accueille en premier. J'attends ma sœur et ma mère qui vont arriver un peu plus tard. Alix a passé un accord avec la mairie pour un pré du parc des Chevreuses qu'il faut débroussailler.

Le voyage est fini. Et je suis trop fatiguée pour m'en rendre compte.



Le silence et le vent, Causses et Cévennes


Après les brouillards des Pyrénées, nous retrouvons le Soleil de la plaine le long du Canal du Midi. L'horizon est bien plate et l'herbe brûlée. Au bout de quelques jours, nous atteignons les Montagnes Noires, puis les Causses et Cévennes. Il y a la solitude, des pins et des pierres dans ces montagnes. Il y a aussi Arfons avec ses fêtes. Il y a surtout le vent et ses éoliennes. L'automne arrive aussi, discrètement.

C'est la fin du voyage. Il n'y a plus d'objectif, plus de montagnes en vue. Toutes les journées se font en silence, les juments et moi, on se comprend comme ça. Le froid des nuits augure du noir de l'hiver et une certaine alarme ne me quitte plus. On fuit l'automne, on fuit le temps du retour. On a beau marcher, le temps finit toujours par nous rattraper.

Pourtant, il aura suffi d'une journée de brouillard et de Causses. Une éclaircie sur un chemin pierreux, l'horizon qui s'ouvre, ces collines d'herbe brûlée à n'en plus finir. Ça y est, je suis arrivée. C'est la fin du voyage et je suis arrivée. Des milliers de kilomètres pour se soustraire au temps.

Dans quelques jours, nous arriverons à La Canourgue pour y attendre le camion qui nous ramènera en vallée de Chevreuse.

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À travers les Montagnes


Alix, ma sœur, a rejoint l'équipe pour deux semaines. Elle se fait sérieusement bizuter par la jument noire et la mule rousse.

Avant les premiers cols, nous passons la nuit à la belle étoile. Les chants des grottes de Lourdes résonnent au loin. Nous nous rendons ensuite au col d'Andorre. Malgré les conseils des locaux, l'ascension est difficile, les chemins presque inexistants et une des lanières du bât lâche. Après un escala où les juments sont d'une agilité de chèvres, nous trouvons l'abreuvoir du col puis la cabane. Toute la troupe est joyeuse. La jument broute, la mule batifole avec veaux, chèvres, moutons et Alix et moi nous installons bien confortablement dans la petite cabane pour déguster des pâtes à l'huile de foie de morue.

La décision de se reposer au col une journée est joyeusement acceptée au vu de l'épais brouillard qui se réveille avec nous. Blotties dans la cabane, ce fut une journée de silence, perdues dans les nuages avec des fantômes de troupeaux. Quelques éclaircies viennent réchauffer hommes et bêtes, puis, à nouveau, le silence. Le lendemain matin, nous repartons, le brouillard est moins épais mais la descente reste traître. Nous croisons des gens qui se sont fait piéger par le manque de visibilité hier et n'ont pu trouver la cabane. En début d'après-midi, nous sommes en creux de vallée, où tout le monde se régale du ravitaillement et du Soleil, même bref.

Nous prenons ensuite la direction de Hautacam et du lac d'Ourrec. Bivouac magnifique accroché à la montagne, puis journée ensoleillée et rieuse au lac. La descente dans la vallée suivante sera très difficile. Le chemin est étroit, des arbres poussent sans ordre même sur le chemin. Arrivées en bas, tout le monde souffle.

La haute montagne est grandiose, mais elle doit maintenant laisser place aux charmes du Piémont. Tout est beaucoup plus facile, la mule et la jument, après l'épisode montagneux, sont insolentes d'agilité. Le brouillard, lui, est devenu un compagnon de voyage. Alix repart. À nouveau seule. Je fais la rencontre d'organisateurs du festival "Autrefois en Couserans", qui me feront faire le tour des ânes, bœufs, mules et chevaux, Hugues Auffray en bonus

Nous sommes bientôt à la fin de l'épisode Pyrénéen et fin août, la mule rousse montre quelques poils blancs au dos et je décide de la débâter et de charger la jument. Ces poils blancs, après avoir augmenté en superficie, ont aujourd'hui disparu.

Il ne reste plus qu'un petit mois de voyage, c'est le temps de la remontée, chaque paysage sera alors volé au temps qui s'égraine et nous rapproche du rapatriement en camion.

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